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La modernisation du droit de la concurrence en Europe implique aujourd’hui plus que jamais une réflexion sur le rôle des juges dans son application. Or, ces derniers sont nombreux et le droit de la concurrence est riche de ses perspectives juridictionnelles. Il convient, tout d’abord, de considérer les différentes branches du droit de la concurrence - antitrust, concentrations, aides d’Etat - tout en songeant aux dimensions publiques et privées de leur mise en œuvre juridictionnelle - public / private enforcement pour reprendre un vocabulaire propre à l’antitrust mais le propos peut être élargi à l’ensemble des formes publiques et privées de déclenchement du et de participation au contrôle juridictionnel -. L’on se rend ainsi compte que les contentieux peuvent être complémentaires au sein d’une même branche (ex. : dans la sanction publique d’une entente anticoncurrentielle et dans la recherche parallèle de réparation des préjudices qu’ont subis les victimes de cette pratique) voire d’une branche à l’autre du droit de la concurrence (ex. : le contrôle des investissements publics dans une entreprise peut relever à la fois du droit des concentrations et du droit des aides d’Etat). Mais les intérêts poursuivis et protégés à l’occasion des procédures de concurrence ne convergent pas toujours. Leur conciliation implique parfois la recherche d’une articulation rationnelle des contentieux, à travers la mise en balance des dits intérêts (c’est ce qu’illustre, par exemple, la question de l’accès aux documents qu’a obtenus une autorité de concurrence dans le cadre d’une demande de clémence, en vue de leur utilisation dans une procédure civile de réparation des dommages subis par les victimes de la pratique anticoncurrentielle concernée). Il faut, ensuite, inclure à la problématique l’ensemble des juges nationaux et internationaux. On doit, s’agissant des premiers, explorer les rapports qu’ils entretiennent entre eux, au sein d’un même Etat, notamment entre ordres de juridictions distincts, et entre juges ordinaires et constitutionnel. L’analyse se poursuit au sujet des juges d’Etats distincts, dans l’Union européenne, ou au-delà de celle-ci d’ailleurs (on songe aux rapports avec les juges américains, dont on sait qu’ils retiennent une conception extraterritoriale très poussée du droit fédéral US, par exemple dans les procédure de discovery). Quant aux seconds, il est nécessaire d’entreprendre l’examen systématique des différentes voies de recours d’accès au prétoire de la Cour de justice de l’Union européenne. Mais celui-ci ne doit pas masquer l’intérêt tout particulier que manifeste la Cour européenne des droits de l’Homme au sujet des procédures de concurrence depuis une quinzaine d’années maintenant. Ces rapports inter-juridictionnels sont de l’ordre à la fois de la coopération (c’est ce dont attestent les mécanismes préjudiciels aussi bien en droit interne - du juge administratif au juge judiciaire et réciproquement - qu’en droit de l’Union - du juge national à la Cour de justice - ; c’est encore ce qu’illustre la tendance au renforcement de la confiance mutuelle institutionnelle et procédurale en Europe), de la complémentarité (quid d’un contrat administratif - au sujet duquel le juge administratif est seul compétent - qui est l’instrument d’une pratique anticoncurrentielle - pour laquelle la compétence reste normalement celle du juge judiciaire - ?), de la concurrence (comme le mettent en exergue les phénomènes transnationaux de forum shopping ou les débats sur la défense des blocs de compétences juridictionnelles internes) et de la diffusion d’une logique commune (la protection des droits fondamentaux est, à ce sujet, une question saillante, de même que l’est plus globalement celle d’une constitutionnalisation du droit de la concurrence). Ils interrogent tant les dynamiques nationales internes que les logiques intrinsèques aux organisations internationales concernées et, plus fondamentalement, les rapports de systèmes juridiques. Les différentes dimensions du contrôle juridictionnel dans ce cadre composite sont susceptibles d’interactions mais également d’interférences. Il est ainsi nécessaire d’entreprendre d’en théoriser les rapports en vue d’optimiser les premières et d’en contenir les secondes. Si l’unification du contentieux concurrence reste à bien des égards un « mythe » (D. TRUCHET), ce colloque propose d’analyser en quoi les mutations contemporaines des contentieux concurrence contribuent à inscrire l’ensemble de ces procédures sous une bannière commune et, en définitive, à animer la dynamique de fédéralisation au sein de l’Union européenne.

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